Voix d’Afrique – à la rencontre de la rousserolle verderolle

Voici une devinette pour vous : comment pouvez-vous entendre le bulbul des jardins, le prinia modeste, le camaroptère à tête grise, ou le cubla boule-de-neige sans vous rendre en Éthiopie, au Mozambique, en Zambie ou au Malawi ? Non, ce n’est pas en surfant sur YouTube ou en téléchargeant une application. Tous ces sons de la brousse africaine lointaine peuvent être entendus dans le gosier de notre propre rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris).

Je commencerai par dire que son nom scientifique est trompeur, car la rousserolle verderolle n’est pas confinée aux marais. C’est plutôt la rousserolle effarvatte, qui lui est étroitement apparentée, qui se cantonne aux marais et aux roselières. Bien que les rousserolles verderolles puissent se trouver en bordure des zones marécageuses, elles préfèrent de loin les zones où l’on trouve un mélange d’herbes et de broussailles, de buissons et de quelques groupes d’arbres. On peut souvent les apercevoir en train de chanter, parfois en battant des ailes, du haut d’une herbe ou d’un buisson. Comment la rousserolle verderolle s’est-elle retrouvée étiquetée « palustris » ? Il arrive qu’un oiseau soit nommé d’après le lieu ou le type d’habitat où il a été officiellement décrit pour la première fois dans l’ère scientifique moderne.

Mais ce qui a fait la renommée de la rousserolle verderolle, c’est le répertoire de chants riche et exotique du mâle. Ce petit Pavarotti aviaire imite au moins 99 espèces d’oiseaux européens et au moins 113 espèces d’oiseaux de son aire d’hivernage en Afrique du Sud-Est. Les rousserolles verderolles arrivent en Belgique pour la nidification en mai, les mâles arrivant en premier pour établir leur territoire et attendre l’arrivée des femelles. Les oiseaux adultes reviennent généralement au même endroit où ils ont niché les années précédentes. Le mâle de la rousserolle verderolle dont le chant est le plus varié et le plus persistant semble être celui qui gagne les faveurs de la femelle. Ce sont donc les femelles qui décident, pour ainsi dire, de doter la rousserolle verderolle de ses dons vocaux. C’est ce qu’on appelle le principe de la sélection sexuelle.

Après l’élevage et l’envol d’une couvée de l’année, les adultes et les jeunes oiseaux partent en août ou en septembre. Cela signifie qu’ils passent les ¾ de l’année en migration ou dans leurs zones d’hivernage, et seulement 3 mois en Belgique. Pourtant, nous continuons à considérer les rousserolles verderolles comme « de retour chez eux » en Europe. Pour atteindre leurs quartiers d’hiver, « nos » rousserolles verderolles passent par la côte orientale de la Méditerranée et le Moyen-Orient. C’est au cours des dix ou onze premiers mois de leur vie que les jeunes oiseaux de l’année acquièrent leur collection de chants d’oiseaux européens et africains. Ils n’ont qu’un temps limité pour développer un répertoire, après quoi leur chant demeure le même pour le reste de leur vie.

Il est intéressant de noter que la plus grande autorité mondiale sur la rousserolle verderolle et son chant est une ornithologue de l’Université de Liège, Françoise Dowsett-Lemaire, qui a publié en 1979 une célèbre étude sur les imitations d’oiseaux africains par la rousserolle verderolle, étude consultée pour cet article. Au cas où vous souhaiteriez lire cette étude, sa référence se trouve en fin de cet article. *

J’espère que vous aurez envie de rencontrer la rousserolle verderolle en personne. Les réserves naturelles de Mijlemeersch et de Vogelzangbeek (près de l’hôpital Erasme), Neerpede, le parc et la réserve naturelle de Scheutbos, Rouge-Cloître, Hof ter Musschen et la gare de formation de Schaerbeek, près de l’avenue de Vilvorde, sont autant d’endroits propices à l’observation de cette espèce à Bruxelles. La gare de formation de Schaerbeek est depuis longtemps réputée parmi les ornithologues bruxellois pour la variété de son avifaune, en particulier les oiseaux en halte migratoire. Malheureusement, son avenir est menacé par un projet immobilier, comme c’est souvent le cas pour les friches industrielles, et beaucoup l’utilisent comme décharge pour toutes sortes de déchets, dans le plus grand mépris de la nature et de la faune qui habite ce lieu.

Une ressource inestimable est la base de données www.observations.be, où vous pouvez rechercher des observations d’oiseaux en Belgique par espèce, par province et par date, et qui indique exactement où vous pouvez aller pour avoir les meilleures chances de les voir. Alors, la prochaine fois qu’une rousserolle verderolle croise votre chemin, n’oubliez pas de tendre l’oreille et de voir combien de chants d’oiseaux différents vous pouvez identifier.

*    Dowsett-Lemaire, F. 1979. The imitative range of the song of the Marsh Warbler Acrocephalus palustris, with special reference to imitations of African birds. Ibis 121:453-468.

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