Cette année-là fut celle où notre Pays fut amené à quitter son immense colonie africaine. L’affaire fut douloureuse et compliquée. On parlait « des événements » pour évoquer ces troubles à l’issue desquels plusieurs parties en cause perdirent au change quant aux conséquences des bouleversements ainsi survenus. Moi, j’avais alors juste « l’âge de raison » , comme on disait alors. Après avoir vécu de belles choses en ces terres attachantes et marquées par les splendeurs équatoriales, étaient survenus une série d’événements pénibles et de tribulations improbables, incluant une période passée en tant que réfugié au Soudan. Cet épisode-là faillit même se terminer en accident aérien lors du départ de Djouba à bord d’un vieux quadrimoteurs (DC-4) libyen (très) essoufflé et chargé de nous débarquer à Khartoum.
Le souvenir des rives du Nil blanc étaient déjà bien loin quand je finis par débarquer, seul avec ma mère, sur le tarmac humide et glacé de l’aéroport -alors récent- de Zaventem. C’était , après des années, une première et fraîche retrouvaille avec le froid de l’automne belge. En vêtements légers et avec pour tout bagage ma petite serviette scolaire en cuir vert contenant quelques jouets précieux (Des Dinky toys que je possède encore !) , la Croix Rouge de Belgique me remis immédiatement un bon pull-over bleu et blanc, en grosse laine tricotée maison. Je l’ai longtemps conservé comme souvenir.
Mais ce retour ardu vers le passé ne s’arrêta pas là. Le souvenir du bungalow colonial moderne qui, à l’ombre des palmiers et des massifs de magnolias, avait été notre commode demeure durant des années, fut remplacé par la grise confrontation avec un habitat ancien et désuet. Tel qu’en en trouvait beaucoup au fil des rues et chemins dans les vieux bassins industriels wallons. Parsemés de terrils et de tours à mollettes. Les hivers de cette époque étaient encore très froids.
Pour se rendre à la toilette dans la journée, il fallait , par tous les temps, sortir de la maison et gagner une petite construction rustique et très ventilée, sise aux confins du jardin. Elle abritait un siège évidé, en bois, et « à prise directe » sur une fosse.Vous voyez ?
Il n’y avait pas non plus de salle de bain. Les gens utilisaient une grande « bassine » de métal zingué, dont l’eau était préalablement chauffée lentement dans de grandes casseroles placées « sur le gaz » alimenté par une bonbonne bleue de « butagaz ». Pour ne pas attraper (trop) froid durant ces ablutions séquencées familialement, le luxe était d’allumer un radiateur mobile, à gaz, doté d’une grille rougeoyante dont il fallait se méfier.
La maison était (plus ou moins) chauffée par un poêle au charbon, en fonte émaillée. Et de fabrication nationale ! . Moyennement performant en ce sens qu’il était parfois difficile de l’allumer. Et qu’il pouvait s’éteindre en dépit de la présence de charbon. Je me souviens que les gens comparaient les vertus des marques existantes à l’époque : Surdiac, La Couvinoise… Le charbon, dont il existait plusieurs qualités et prix, était stocké -en vrac- dans un coin de la cave, basse, voûtée et mal éclairée . Quotidiennement, il fallait , aller en charger dans un seau métallique haut et étroit appelé «charbonnière ». J’avais souvent cette tâche à accomplir.
Aux fenêtres, pas de doubles vitrages, bien sûr. Et l’hiver, la glace dessinait dès lors, à l’extérieur des « carreaux » – comme on disait- de belles arabesques blanches . Sur lesquelles un ciel glacé mais ensoleillé pouvait alors procurer de jolis effets visuels.
A l’étage de la maison, aucun chauffage. Par grands froids, on y grelottait régulièrement, à moins de rester tapi sous d’épaisses couvertures de laine . Les couettes n’étaient pas encore répandues . Pour faciliter la prise de contact avec le lit, très froid au départ, on recourait souvent à l’antique méthode de la bouillotte emplie d’eau chaude. A cette époque-là, elles étaient encore en caoutchouc naturel , dont elles avaient l’odeur. Les générations précédentes avaient parfois utilisé de magnifique récipients fermés, en cuivre rouge. Dotés d’un assez grand diamètre et présentant une élégante forme aplatie . Une telle bouillotte métallique, récupérée dans un grenier ancien, fut même transformée par mon père, grand bricoleur de son état, en une magnifique horloge murale motorisée électriquement. Elle décora ensuite la maison qu’il finit par bâtir de ses mains, au début de la décennie suivante.
Les dimanches sans voitures et une première crise énergétique étant passés par là, (1973) cette construction nouvelle avait d’emblée été très bien isolée, y compris par des doubles vitrages, des sols « flottants », et un toit bien « farci » à la laine de verre, porté par des murs spéciaux. Elle se vit dotée de radiateurs électriques à accumulation avec compteur électrique bi/horaire.
Nous avions finalement bien remonté la marche du temps ! . Ces solutions avancées furent implémentées voici déjà un demi-siècle . Et elles demeurent tout à fait contemporaines ! Mon papa avait remarquablement anticipé les solutions aux problèmes actuels et futurs…Il était vraiment un précurseur courageux et génial ! .
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Merci de partager cette belle histoire de moments de ta vie ….
J’ai beaucoup aimé
Au plaisir de te lire encore…
Marie-Claire P